14 novembre 2010

Escale au caillou


Nous arrivons en cours de matinée à l’aéroport de Tontouta à une trentaine de kilomètres au Nord de Nouméa.

Dès notre arrivée à l’aéroport, nous sommes surpris par la documentation touristique abondante et de qualité remise par l’agence de tourisme locale.
Nous passons avec succès l’interrogatoire sommaire à la douane (avez-vous de la terre aux piquets de la tente ? je vous prends l’oignon !). Nous louons pour une semaine une Twingo blanche sans clim toute cabossée à un tarif très attractif auprès de l’opérateur local, Point Rouge.

Notre programme est le suivant: une semaine du tour de l’île principale, le fameux « Caillou », en voiture puis une semaine sur les îles « satellites »: l’Ile aux Pins et l’Ile de Lifou, le tout en campings.
En effet, le camping est un mode d’hébergement très répandu ici. C’est économique (certains campings sont gratuits) et ils sont généralement très bien situés (bord de mer…).

Nous avons eu toutes les difficultés à trouver une tente correcte en Argentine. Buenos Aires manque cruellement de Décathlon ! D’ailleurs, nous avons appris que Décathlon a essayé de s’implanter dans les années 2000 mais il a été découragé par les taxes à l’importation et surtout la dévaluation de la monnaie suite à la crise financière argentine.

La tente enfin achetée (60 €) est dite « basique » par le vendeur : pas d’artifices inutiles, poids léger (2,6kg), assez spacieuse (3 places) et compacte.
A l’usage, cette tente s’est révélée être une catastrophe : piquets si fins qu’ils se tordent, fermetures éclairs qui lâchent, arceaux qui se cassent … A chaque montage, une mauvaise surprise !
Heureusement que nous avons pu racheter une nouvelle tente à bon prix (30 €) à Maud, une française qui n’en aura plus besoin dans la suite de son périple. Encore une tente d’origine chinoise mais celle-ci est plus costaud et grande (tente familiale de 4 places) : nous ferons l’Australie avec.

Autre déconvenue, le brûleur : celui que nous avions acheté en Argentine n’est pas utilisable en Nouvelle Calédonie car la France, pour se démarquer, a sa propre norme !
Nous achetons donc un nouveau brûleur normes françaises (celui qui perce la bouteille de gaz) ; mais ensuite, impossible de trouver des bouteilles de gaz ! Ce brûleur ne sera utilisé que quelques jours avant d’être renvoyé en France. Rien de mieux que le feu de bois pour cuire, il suffit juste d’un briquet et d’un peu de patience !


Nouvelle Calédonie est le nom donné par l’explorateur britannique James Colnett qui a nommé ainsi l’île en référence à l’Ecosse (dont l’ancien nom était Calédonie).
Contrairement à la Polynésie, la Nouvelle Calédonie n’est pas d’origine volcanique : il s’agit d’une région qui s’est détachée de l’Australie par les mouvements des plaques tectoniques.
Les deux tiers de la population sont concentrés dans la région de Nouméa. Ailleurs, la densité de population est faible ce qui renforce le côté sauvage de l’île.


Il faut être prudent sur les routes calédoniennes : comme c’est souvent le cas, les insulaires ont tendance à rouler beaucoup plus vite que les continentaux. Ici, la vitesse limite sur les routes est de 110 km/h (au lieu de 90 km/h chez nous).
Sans compter que les calédoniens boivent beaucoup d’alcool (surtout les week-ends).
Cocktail explosif !
Le titre du journal local à notre arrivée était : « 2 accidents de la route : 4 morts ».
La vérité est que la Nouvelle Calédonie détient le triste record mondial du taux de mortalité brute d’accident de la route.
C’est donc crispé au volant de notre voiture que nous commençons notre visite de l’île !



Nous débutons notre « tour » par la côte Ouest.
Cette région est la plus riche de l’île (industries, élevages de bovins …), la plus occidentalisée aussi : beaucoup de caldoches vivent ici.
La côte Est plus difficile d’accès (les routes transversales sont récentes) est plus sauvage et tropicale (pluviométrie élevée) : les Kanaks y sont majoritaires.


Nous nous rendons au marché dominical mensuel de Farino, la plus petite ville de Nouvelle Calédonie. Quatre petites villes voisines les unes des autres organisent à tour de rôle le marché dominical d’où une périodicité mensuelle. Nous y rencontrons sans le savoir, Madame la Maire, qui anime le stand de dégustation des confitures locales et accessoirement nous donne des informations touristiques.
Très variées et bonnes ces confitures : banane papaye, coco courge … et toutes élaborées par les habitants du village.
Le point de vue sur la côte est magnifique du belvédère de la mairie : nous nous rendons compte de la taille du lagon, le plus important au monde en termes de superficie (patrimoine mondial de l’Unesco).

Après cette escale gastronomique, nous nous rendons à la case du « Petit Couli » à Sarraméa et faisons la connaissance avec le grand chef kanak de la région.
La case est lieu de rassemblement de la tribu lors d’évènements importants. C’est une hutte simple de 4-5 mètres de haut, maintenue par un pilier central et au toit de chaume (feuilles de cocotier). Au sommet de la case, est accroché la Chouchoute, le coquillage emblème de l’île, qui servait à appeler les membres de la tribu lors de réunions.
La case est entourée de grands pins colonnaires, arbres majestueux plus hauts que larges, spécifiques de la Nouvelle Calédonie et en particulier de l’île des Pins.

Dans un exposé passionné, le chef nous explique que la terre appartenait à ses ancêtres. Cette terre est sa propriété. Calmement mais sans un sourire au visage, il nous affirme que les caldoches ne sont pas chez eux et que l’île devra être rapidement indépendante.

A l’arrivée des navigateurs européens, la Nouvelle Calédonie était répartie entre différentes tribus kanaks.
A la fin du 19ème siècle, la France a annexé l’île et le territoire est devenu un centre de détention (plus de 100 000 bagnards y seront détenus).
Lorsque les bagnards ont purgé leurs peines, ils ont reçu de l’administration un arpent de terre (geste intéressé : éviter qu’ils retournent en France): les caldoches sont les descendants des bagnards qui sont restés sur l’île. Ces arpents de terre ont été expropriés aux kanaks sans aucune rétribution.
Dans les années 80 suite aux « évènements », les accords de Matignon puis de Nouméa ont été signés.
Ils comportent notamment le paiement aux kanaks de ces terres autrefois expropriées ainsi que l’organisation en 2014 d’un référendum afin de déterminer l’avenir de l’île.

Du point de vue démographique, les kanaks représentent 44% de la population, 34% sont des caldoches et des européens (les « zoreils ») et les 22% restants sont originaires de Polynésie ou du Vanuatu. Le résultat du scrutin s’annonce incertain.
Déjà une atmosphère tendue est perceptible à certains endroits de l’île : affrontement entre tribus sur la côte Est, caillassage de voitures, vols fréquents …

De notre côté, nous avons trouvé les kanaks rencontrés très accueillants mais peu souriants. A l’inverse des Polynésiens les kanaks fréquentent peu les caldoches ou « zoreils » et les mariages mixtes sont très rares.


Nous poursuivons notre visite vers Bourail. Cette ville n’est pas très intéressante, c’est la côte proche qui vaut le déplacement.
Nous campons à quelques mètres de la plage de Poe, superbe plage de sable clair. Le soir même, nous profitons d’un très beau coucher de soleil.
Ce sera farniente au bord de la plage pendant deux jours !
Christophe a décidé d’aller découvrir « les patates » de corail du lagon mais il a oublié ô combien ce dernier est étendu ! Il lui faudra marcher/nager plus de 2km dans l’eau soit environ 1h avant d’atteindre son objectif !
Nous trouverons quand même le temps de nous balader sur la côte rocheuse proche ! La baie des Tortues (petite plage avec un magnifique amphithéâtre de pins colonnaires), le rocher Bonhomme, la roche percée…


Plus au Nord, nous arrivons à la ville de Voh, dont le Cœur est mondialement connu depuis qu’il est en photo de couverture du livre de Yann Arthus Bertrand « la terre vue du ciel ».
Nous n’avons pas les moyens financiers de Yann ! c’est par la marche (colline proche) que nous allons tenter de voir cette curiosité naturelle. Nous apercevons un tout petit cœur ! mangrove verte claire entourée de végétation verte foncée.

Voh et surtout la ville voisine de Koné sont en pleine expansion depuis que se construit une nouvelle usine de traitement de nickel.
La Nouvelle Calédonie détient 80% des réserves mondiales de nickel. Ce métal est utilisé dans la fabrication de l’acier inoxydable dont la demande (notamment chinoise) s’accroît ces dernières années.
Exploitée par une société canadienne, cette usine emploie pour sa construction plus de 5 000 personnes d’où l’explosion des prix de l’immobilier …
Mais, lorsque l’usine sera terminée, il ne restera qu’environ 1 000 salariés, ce sera la fin de la bulle spéculative.


Nous prenons la route transversale d’une cinquantaine de kilomètres afin de passer au versant Est de l’île.
Le cœur de la Nouvelle Calédonie est formé de hautes montagnes boisées : végétation tropicale avec beaucoup de fleurs dont les superbes flamboyants (arbres aux fleurs rouge orangées).

Lors d’une pause à une aire de repos, nous rencontrons Maud, un médecin française qui vient d’achever ses longues études et qui réalise un de ses rêves, un tour du monde de 6 mois.
Stéphane et Maud sont persuadés de s’être déjà rencontrés … mais où … mais oui ! rencontre lors d’une randonnée pluvieuse mémorable de 6h dans le parc du Mont Fitz Roy en Argentine. Ce jour-là, Christophe avait judicieusement déclaré forfait et était resté au chaud.
Rendez-vous est pris pour se revoir dans une semaine sur l’île de Lifou !


Nous sommes sous le charme de la côte Est plus sauvage.
Notre passage à la ville d’Hienghène sera sans doute notre meilleur moment sur l’île.
Le cadre naturel est exceptionnel : au sud, les falaises Linderaliques qui sortent de l’eau sont magnifiques. Au large, les îlots sont paradisiaques et, dans les terres, la végétation tropicale est abondante.
Deux îlots représentant une poule et un sphinx sont assez connus et souvent utilisés pour évoquer la Nouvelle Calédonie au même titre que le « Cœur de Voh » ou le « centre Djibaou ».

Nous nous arrêtons au camping de Babou (du nom de son propriétaire) : le camping est ombragé et il est situé sur une belle plage avec, en arrière plan, les falaises d’Hienghène. Une agréable escale de deux jours.
Le Wifi nous permet d’appeler la France où les températures dégringolent …

Pendant que Christophe part en plongée, Stéphane se rend à l’îlot Hienga pour une initiation botanique très instructive (nombreuses plantes médicinales) et du snorkeling au dessus des eaux poissonneuses de l’îlot.
En plongée ou tout simplement en snorkeling, c’est un régal pour les yeux ! Les coraux sont magnifiques et en excellent état : de couleurs vives (bleu électrique, rouge ou orange…) et de formes variées (coraux solides ou mous, fines branches ou massifs).
Les poissons sont abondants : le gros poisson perroquet consommateur de coraux, le poisson chat qui fouille avec ses tentacules le sable à la recherche de petits crustacés, le poisson chirurgien muni d’un dangereux scalpel à l’avant, le poisson au long bec jaune et noir qui se nourrit d’algues …


Plus nous descendons la côte Est et plus nous sommes surpris par le côté désertique de cette zone de l’île : peu d’habitants, pas ou peu de voitures …
Nous traversons une gigantesque carrière d’exploitation de nickel qui semble abandonnée car déserte. Du sommet de la montagne, nous avons une vue étendue sur la région, photo !

Nous décidons de ne pas nous arrêter à Canala suite aux affrontements récents et prenons la transversale Sud pour retourner vers la côte Ouest et Nouméa. L’évitement de Canala ne nous permettra pas de tester la fameuse route alternée … sur environ 15 km, la route ne comporte plus qu’une voie … les voitures circulent du Nord vers le Sud aux heures paires et du Sud vers le Nord aux heures impaires …


Nouméa est la plus grande ville française d’Océanie avec plus de 160 000 habitants (essentiellement des caldoches et des européens). La ville s’est beaucoup développée ces dernières années : en témoigne les immeubles neufs et hôtels en bord de mer.
Il faut dire que Nouméa offre une bonne qualité de vie : deux belles plages (l’Anse Vata et la Baie des Citronniers - Stéphane s’y exercera à la planche voile pendant que Christophe y pratiquera son jogging dominical, trop souvent oublié), une grande marina, un marché au bord de la mer, un complexe de cinémas … c’est une atmosphère de vacances toute l’année ! …
Ville ô combien bien plus agréable que Papeete sur l’île de Tahiti en Polynésie.

Nous logeons dans l’auberge de jeunesse de la ville au sommet d’une colline avec une très belle vue sur la marina.
Le bâtiment a été conçu dès sa construction pour être dédié à une auberge de jeunesse … après quasi 6 mois de voyage, c’est pour nous un modèle du genre … côté jour/repas/fête bien distinct du côté nuit où toutes les chambres/dortoirs ont une vue sur la marina … cuisine semi-professionnelle avec une chambre froide où chacun à son casier (adieu les pots de confiture finis avant l’heure) … salle à manger avec chacun son casier et ses couverts … laverie avec séchoirs et fers à repasser … bref l’auberge de jeunesse affiche complet tous les soirs !!

Lors de notre escale à Nouméa, nous visitons deux centres consacrés à la culture kanak : le musée de la Nouvelle Calédonie et le centre culturel Tjibaou.
Le musée de Nouvelle Calédonie expose des collections d’art kanak et océanique : la visite est peu intéressante.

Le centre culturel Tjibaou lui vaut le détour à cause de son architecture audacieuse : il reprend la forme d’un village traditionnel kanak avec des cases en acier, verre et bois dressées vers le ciel comme inachevées. Très belle analogie avec les cases traditionnelles kanaks.
D’ailleurs, le centre culturel comporte également trois vraies cases qui illustrent les différences d’architectures suivant les régions … comme évoquée précédemment la case ronde s’organise toujours autour d’un pilier central de 4 ou 5 mètres de hauteur et d’un toit en feuille de cocotiers … mais au Nord les murs sont en pierre, au Sud en bois tressés et sur les îles le toit se prolonge jusqu’au sol … il existe également d’autres différences plus subtiles et non immédiatement perceptibles par le touriste de métropole.

Mais ici encore, le centre culturel est une coquille vide : hormis une exposition d’art contemporain et de photos de cannibalisme, il n’y a pas grand-chose à voir …
La culture kanak assez sommaire vaut-elle deux musées ? dont l’un a coûté plus de 50 millions d’euros …
Ces visites nous ont permis de nous rendre compte de la proximité des kanaks avec la Papouasie Nouvelle Guinée : peuple relativement sauvage, sans culture écrite et jusqu’à une période récente cannibale.


Nous terminons notre séjour à Nouméa par une séance de cinéma : « les petits mouchoirs » une comédie bien française avec des acteurs bien de chez nous. Merci Edith pour cette recommandation !




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