24 février 2011

Phnom Penh, la perle de l’Asie

Le passage de la frontière terrestre Thaïlande-Cambodge restera un moment aussi rocambolesque que pénible… Nous avons été prévenus par le guide Lonely Planet.
Tout commence par un trajet pépère de 5 h en bus entre Bangkok et Aranyaphrathet (la dernière ville avant la frontière) : à perte de vue champs de rizières et fermes.

Pour faire marcher le commerce local, le terminus du bus est à 6 km de la frontière : il faut donc prendre un tuk-tuk.
Nous choisissons un tuk-tuk man assez âgé dont la placidité nous rassure.
Contrairement à nos attentes, le vieux monsieur va mettre le turbo : la vitesse atteinte par le tuk-tuk nous impressionne mais nous inquiète également. Au moindre défaut sur la route, la frêle guimbarde menace de se retourner !
Le papi freine et s’arrête enfin devant une baraque avec la pancarte « Consulat du Cambodge ».
Il s’agit en fait d’un moyen pernicieux de soutirer de l’argent aux touristes : dans le pseudo consulat, le visa cambodgien coûte plus de 35 $ alors que le tarif officiel est de 20 $. C’est un marché très lucratif puisque nous verrons par la suite plusieurs autres officines proposant le visa cambodgien.
Nous refusons énergiquement de descendre du tuk-tuk malgré l’intervention du « fonctionnaire » du consulat venu à notre rencontre et du papi énervé sentant sa commission lui échapper.
La détermination (et le ton de voix de plus en plus élevé) de Stéphane va payer puisque notre tuk-tuk repart et s’arrête, enfin, à la frontière thaïlandaise. Fin de la 1ère étape.

Dès la descente du tuk-tuk, nous sommes harcelés par les rabatteurs (pour faire des visas) et les chauffeurs de taxis. Rabatteurs pénibles car sans arrêt à nous parler (ce qui énerve fortement Christophe) et collants : l’un deux va nous suivre pendant presqu’une heure ½ !
Chargé de nos sacs, nous nous engageons dans une rue sombre et trouvons difficilement le poste frontière thaïlandais : rien n’est marqué.
Le tampon sur le passeport, nous suivons des asiatiques en direction du Cambodge. Autour de nous, nous observons avec étonnement de grands hôtels casinos avec leurs machines à sous étincelantes. Vision surréaliste à quelques mètres du poste frontière crasseux !
Nous apprendrons plus tard que les casinos sont interdits en Thaïlande ; ils se sont installés en zone frontalière, bénéficiant probablement d’un régime fiscal intéressant.

Après les casinos, nous voici à la maison des douaniers cambodgiens, ce n’est pas la même ambiance !
Nous tendons la paperasse administrative au douanier de service, celui-ci nous réclame 20 $ + 100 Kyats soit 22,5 $ ! Nous sommes interloqués par le culot de ce fonctionnaire corrompu désireux d’arrondir ses fins de mois sur le dos des touristes.
Christophe montre au douanier le panneau où figure le tarif officiel de 20 $. Et de nouveau s’engage une discussion interminable… Heureusement, le douanier finit par céder face à notre détermination. Nous l’avons notre visa à 20 $ ! Un coup de tampon de la douane cambodgienne et nous entrons enfin au Cambodge à Poipet. Fin de la 2ème étape.

Bonne nouvelle : la ville de Poipet semble grande, nous devrions y trouver facilement un logement.
Mauvaise nouvelle : les rabatteurs sont toujours là plus coriaces que jamais.
Après une attente interminable, nous apercevons enfin la navette gratuite qui nous conduit vers la gare routière. Un bus de nuit part à Phnom Penh dans quelques minutes : nous décidons de ne pas le prendre, découragés par le bruit dans le bus (karaoké+enfants pleurnichards).
Nous prendrons notre bus le lendemain matin. Nous trouvons un hôtel à la façade peu engageante près de la gare : la chambre est glauque, sans fenêtre mais propre (le téléviseur semble être sorti de la décharge voisine).
Nous circulons dans les ruelles sombres à la recherche d’un restaurant acceptable. Pour la première fois depuis le début de notre voyage, nous ne parvenons pas à nous faire comprendre des cambodgiens : ni l’anglais, ni le français ne sont parlés. Stéphane montre des images de son Iphone.
Au dîner : saucisses de porc sucrées et riz. Fin de la 3ème étape, bonne nuit !


Nous comptions arriver à Phom Penh en début d’après-midi comme nous l’avait dit le vendeur des tickets de bus. Nous arriverons finalement vers 17 h à la gare de Phnom Penh.
Au cours de ce trajet, nous traversons le Cambodge profond : celui que ne connaît pas la plupart des touristes.
C’est la pauvreté et la misère qui règne : maisons insalubres, gamins en guenilles, mendiants et victimes des mines dans les rues…
Nous sommes surtout frappés par la saleté : les cambodgiens jettent leurs détritus au sol (sous les tables des restaurants, le sol est jonché de serviettes), le linge est étendu au-dessus d’ordures nauséabondes, les habitants torses nus se lavent à n’importe quel point d’eau, sacs plastiques et poubelles aux bords de route…
Même en Birmanie, pays pauvre, les habitants sont plus propres !

Dans le bus, les cambodgiens regardent (heureusement sans le chanter) le karaoké local : les chansons sont nostalgiques et la vidéo montre une foule dansant en pas cadencé.

Ce n’est que le lendemain que nous rejoignons nos visiteurs lyonnais Emile et Frédéric, avec qui nous allons découvrir le Cambodge.
Nous sommes contents de les voir en forme malgré leur long voyage (Lyon/Paris/Séoul/Phnom Penh). Ils ont bien récupéré dans leur hôtel 3 étoiles avec piscine !


Contrairement à Bangkok, Phnom Penh n’est pas une mégalopole inhumaine.
Sans être chauvin, nous ressentons l’influence française dans cette ville agréable à vivre : de larges avenues dégagées aux noms bien de chez nous (ave. Charles de Gaulle, ave. de Paris…), une belle promenade le long de la rivière où sont concentrés restaurants, hôtels et le night market (attrape touristes) et pas mal de parcs et d’espaces verts.
La façade de l’hôtel Royal (le plus prestigieux de la ville) ou celle de la poste principale ressemblent aux constructions du Deauville du début du siècle. Ici et là, des maisons coloniales aux façades ouvertes sur la rue donnent un petit air « frenchy » à la capitale.
L’ambassade de France impressionne par sa taille (son jardin a accueilli des centaines de réfugiés cambodgiens sous l’ère Khmers Rouges) et son architecture aussi audacieuse que contemporaine.
Il y a aussi l’hôpital Calmette, le plus important de la ville, qui a un petit air d’hôpital de la France profonde. Malheureusement, les locaux semblent bien surchargés de malades…


L’offre en transports est surabondante : partout des tuk-tuks ou des motos pour se déplacer à moindre coût. Le tout est d’arriver intact à destination ce qui n’est pas évident !
La conduite au Cambodge est folklorique : pour gagner du temps, une voiture ne s’arrête pas à un croisement mais s’engage sur la file de gauche (à contre courant de la circulation !) et rejoint la file de droite à l’occasion d’un « trou » dans la circulation.
Pour ne pas être traumatisé, mieux vaut ne pas regarder devant !
Heureusement que les vitesses ne sont pas rapides (rarement plus de 30-40 km/h).
Le port du casque moto est obligatoire pour le conducteur (rarement porté) et curieusement non obligatoire pour les passagers juste derrière.
Nous avons vu des familles entières circuler sur un scooter (père, mère, enfants, bébés…) ou encore des enfants en bas âge se cramponner au volant de la moto avec leur mère sans aucune protection.
Ici, les motos (ou scooters Honda, Suzuki…) transportent tout et n’importe quoi : des sacs de riz de 25kg aux animaux de la ferme (des cochons, des poules…), jusqu’à une dizaine d’adultes, des poutrelles de bambous, des familles entières…

Le bon plan pour circuler à Phnom Penh est de louer un vélo. Pour 1$ la journée, il est facile de circuler dans les différents quartiers de la ville à condition d’avoir l’œil alerte et le cœur bien accroché ! Il faut juste trouver la boutique de location de vélos dissimulée dans une rue commerçante (le lobby des tuk tuks empêche le développement des locations).


Ce qu’il faut voir à Phnom Penh en deux jours ?

Le Palais Royal, résidence du roi Sihanouk est une pâle copie du Palais Royal de Bangkok : les bâtiments sentent trop le béton et les Chédis Khmers peints en gris sont laids.
Malgré un droit d’entrée onéreux, une grande partie des jardins ainsi que la résidence du roi sont fermés au public. Même les dalles en argent massif de la pagode d’argent (le clou de la visite) sont difficiles à voir car recouvertes d’un tapis crasseux !

A l’extérieur du Palais, nous sommes les témoins imprévus de la prière du roi de Thaïlande aux dires de la vendeuse (il a des grandes lunettes et ses cheveux grisonnants comme l’original mais c’est en fait un membre du gouvernement cambodgien…) et de sa délégation toute de blanc vêtue devant un petit temple.
Nous ne sommes pas au bout de nos surprises : après le « roi », c’est la foule qui se presse devant le temple. Nous assistons à un déluge d’encens, de fleurs de lotus, d’offrandes (corbeille de fruits) sur la petite maison. Nous découvrons également un orchestre d’instruments traditionnels composés de 16 gongs.
Une ferveur populaire qui s’apparente davantage à une kermesse qu’à un acte de foi !


Le Musée National des Beaux-Arts, juste à côté du Palais Royal, magnifique bâtiment rouge construit au début du siècle dans le respect de l’architecture khmer traditionnelle. Ce musée de taille relativement modeste (ensemble de quatre galeries organisées autour d’un patio jardin) renferme des chefs d’œuvres de l’art khmer, principalement des sculptures, pour la plupart en provenance du site d’Angkor. Visite très agréable.


La visite du musée du génocide du Toul Sleng est marquante au même titre que celle du camp de concentration d’Auschwitz (souvenir fort de notre voyage à Cracovie).
De 1975 à 1979, cette école construite par les français a été transformée en une terrifiante prison par les Khmers Rouges : le camp S21. Plus de 15000 personnes y ont été torturées, emprisonnées et tuées. Seuls 7 prisonniers survivront à cet enfer.
La visite débute par les salles de classe transformées en chambres de torture (les lits métalliques défoncés parlent d’eux-mêmes). Tout près, une potence : les prisonniers y étaient pendus par les pieds jusqu’à perdre connaissance ; puis plongés dans une jarre d’eau croupissante pour être ranimés et reprendre l’interrogatoire.
Nous passons devant de minuscules cellules aux murs de briques ou de bois hâtivement montés : moins d’un m² pour vivre… Le bâtiment est entouré de fils barbelés rouillés afin d’empêcher aux prisonniers de se défenestrer plutôt que de succomber aux tortures.
Les bâtiments suivants montrent des photos d’hommes et de femmes avant leur emprisonnement : les traits sont tirés voire apeurés.
Mais aussi les témoignages des survivants ainsi que ceux de soldats Khmers Rouges.
Enrôlés très jeunes (15-20 ans), ils se disent victimes d’un système dont ils ne comprennent pas la finalité. Ces gamins enrôlés dans les campagnes sont d’autant plus dangereux qu’ils sont endoctrinés. Ils obéissent sans réfléchir, ils tuent sans sentiment comme des robots.

D’ailleurs, comment comprendre les objectifs de l’idéologie Khmers Rouges qui va engendrer le plus important génocide de l’histoire contemporaine : près de 3 millions de morts ; Des cambodgiens victimes d’autres cambodgiens.
Complexés, les Khmers Rouges pourchassent et tuent intellectuels (les porteurs de lunettes ou de cheveux longs sont tués !) et moines (des centaines de temples sont détruits).
La société cambodgienne est complètement réorganisée à partir de préceptes mystérieux.
La valeur travail est dans les champs : tout le monde dans la campagne !
Stéphane s’est plongé dans la lecture du livre « Cambodge, année zéro ».
L’auteur a été le témoin de la prise de Phnom Penh par les Khmers Rouges en avril 1975. Il décrit la déportation de 2,5 millions d’habitants vers les campagnes environnantes (milliers de morts : malades, enfants, vieillards). En quelques jours, la capitale est totalement vidée de ses habitants !
A la tête de l’organisation Khmers Rouges : Pol Pot (POLitique POTentielle), 4 hommes derrière un pseudonyme qui mourront lors des combats ou victimes de trahison.

Depuis cette tragédie, le Cambodge se reconstruit. Mais le procès qui doit permettre de juger les criminels (dont la défense est notamment assurée par Me Verges qui a mystérieusement disparu dans les années 75) se fait attendre… les quelques protagonistes concernés (ceux qui ne sont pas encore morts de vieillesse) ont été arrêtés en 2007 mais leur procès n’a toujours pas commencé.


Le marché « Russe » (très fréquenté par ces derniers lors de l’occupation vietnamienne), un peu excentré mais à seulement 10 minutes de notre guest-house en vélo. Véritable dédale de boutiques minuscules vendant tissus, tee-shirts, bijoux …

Nous décidons de remonter l’histoire du Cambodge : une visite à Angkor s’impose !



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