26 avril 2011

La grande muraille

Ne visiter que Beijing (Pékin) en Chine et de surcroît en seulement une semaine est vraiment limite pour appréhender ce continent de 1,3 milliard d’habitants.

Ce séjour est volontairement court afin de satisfaire nos 2 aspirations contradictoires : Christophe qui souhaitait revoir la famille de son amie d’école Shumin (elle rentre en France cet été après 5 ans passés à Pékin) et Stéphane qui ne voulait pas s’éterniser en Chine (les chinois ne sont pas trop sa tasse de thé…).
Il est tout de même intéressant de mieux connaître un pays qui devrait devenir la 1ère puissance mondiale dans une dizaine d’année d’après les experts.

S’il est vrai que Hong-Kong est riche, nous n’avons pas retrouvé cette richesse chez les habitants de Beijing : la majorité d’entre eux forme une classe moyenne intermédiaire ni pauvre, ni riche.
Par contre, les marques de luxe sont bien présentes et certaines berlines feraient envie à bien des européens. Mais qui achète ? Les centres commerciaux haut de gamme sont vides : par exemple, le centre « La Place » à 50 m de notre logement était en permanence désert.


Lors de nos trekkings urbains, nous avons tout loisir d’observer les mœurs particulières des pékinois âgés (plus de 40 ans) dans les lieux publics.
Ils crachent sans même regarder si quelqu’un est proche d’eux.
Ils parlent fort, surtout au téléphone portable. Ils n’attendent pas que les passagers descendent du bus pour y monter et n’hésitent pas à monter dans le métro même si celui-ci est archibondé.
Au volant d’une voiture, c’est le jeu du rapport de force avec les piétons : ils s’arrêtent au dernier moment voire ne s’arrêtent pas du tout (le piéton qui tient à sa vie stoppera) ; en tournant, ils passent à quelques centimètres du piéton…
Les pékinois manquent singulièrement de savoir vivre et de politesse !


Nous sommes accueillis par Shumin d’origine chinoise, son mari Fred et leurs deux filles : Eléonore 8 ans et Victoria 6 ans (dont Christophe est le parrain).
La famille vit au cœur de Beijing à proximité du principal quartier d’affaires (où travaille Shumin) dans un vaste appartement d’une résidence confortable (parc, piscine intérieure, salle de gym). Nous partageons leur façon de vivre (mix de la culture chinoise et française version aisée) pendant une petite semaine.
L’appartement est meublé dans le style chinois mais la bibliothèque est remplie de « classiques » français. Il faut dire que Fred et Shumin sont passionnés de littérature française.
Le chèque universel n’existe pas mais c’est le règne des services à domicile (cours de piano et répétiteur pour les filles ; manucure et massage pour madame ; sans oublier l’équipe des femmes de ménage). Fred adore cuisiner, la famille mange donc principalement français (à notre grand soulagement). Nous aurons l’occasion de manger Chinois lors d’une soirée organisée par Shumin et au restaurant. C’est simple, tous les plats sont servis en même temps au centre de la table. Ce sera l’occasion de quelques découvertes culinaires.
Nous sommes vraiment aidés par nos hôtes : Fred nous guide pendant la semaine (lorsqu’il ne donne pas des cours de français à l’université) et nous retrouvons toute la famille pendant le week-end prolongé du 1er mai.


Beijing est une ville très étendue de plus de 17 millions d’habitants. Se déplacer d’un quartier à un autre à pied peut être très long…
C’est pourquoi nous avons utilisé le métro (pas cher mais tristounet, ambiance Europe de l’Est), le vélo (les pistes cyclables sont nombreuses mais il faut faire attention aux multiples obstacles qui surviennent à tout moment) et le taxi (les chauffeurs ne comprennent pas l’anglais, c’est donc au petit bonheur la chance !).
Avec plus de 4,5 millions de voitures (pour 17 millions d’habitants), autant dire que cela roule beaucoup à Beijing. Maintenant, pour acheter une voiture, le pékinois doit payer un droit à circuler, l’équivalent de la plaque de nos taxis parisiens.
A vélo, la pollution agresse fortement les bronches, avis aux asthmatiques.

Comme Paris sous l’époque Haussman, Beijing a été métamorphosé ces dernières décennies : les quartiers populaires (les Hutongs) ont été progressivement rasés et remplacés par des tours de béton et de verre. Les habitants de ces quartiers n’ont eu qu’un mois pour déménager dans des HLM en périphérie.

Aujourd’hui, le centre ville de Beijing est formé de routes à 2 ou 3 voies, d’alignements d’immeubles construits ces 20 dernières années ; c’est devenu une ville moderne qui reflète la croissance effrénée de la Chine mais triste ayant perdu de son âme et de sa chaleur humaine.

Néanmoins, certaines réalisations récentes sont audacieuses et réussies : par exemple, l’Opéra de Beijing (une sorte d’œuf en verre sortant de l’eau, une réalisation de l’architecte français Paul Andreu et emblème de la ville).
La forme originale en carré inversé de la tour de la télévision est un vrai défi à l’apesanteur.
Certaines réalisations olympiques sont-elles aussi très originales : la piscine « cube d’eau » recouverte d’une peau bleutée ou le stade « nid d’oiseau » et son armature métallique.


C’est dans les hutongs que nous retrouvons une ambiance de quartier vivante et chaleureuse : le Pékin authentique.
Aujourd’hui, il ne reste que quelques hutongs transformés en zone protégée dans le quartier des lacs au Nord Est de la tour de la cloche. Il est agréable d’y flâner, d’y rencontrer des grands-mères en train de discuter entre elles, des gamins jouer ou des vendeurs proposer fruits et légumes.
Un hutong est constitué de demeures traditionnelles (Siheyuan). Nous en visiterons une restaurée en compagnie d’une charmante guide chinoise. Une Siheyuan est formée de 4 maisons (une pour chaque membre de la famille) réunies autour d’une cour centrale. Une sorte de « ryad » marocain mais sans étage (toutes les ouvertures donnent sur la cour, aucune vers l’extérieur). La disposition et la répartition des maisons ne doit rien au hasard mais respecte toute une logique « fengshui » (en accord avec les éléments terrestres) :
-      Au Nord (ouverture au Sud !), qui représente l’eau, la maison des parents, toujours accessible avec une marche de plus que les trois autres maisons ;
-      A l’Est, symbole du bois, réside le fils ;
-      A l’Ouest, illustrant le métal, demeure la fille (à l’époque des Siheyuan, la politique de l’enfant unique n’existait pas encore) ;
-      Au Sud, le feu brûle pour les invités. Le meuble le plus surprenant est le canapé-table utilisé pour prendre le thé (sorte de canapé très volumineux où deux personnes peuvent s’asseoir et même s’allonger pour savourer le thé sur une table basse disposée au milieu) ;
-      Côté pratique, la cuisine est au Nord-Est, les toilettes au Sud-Ouest et l’entrée au Sud-Est ;
-      Sans oublier au centre le bassin à poisson porte bonheur (et prévenir les risques d’incendie).

Enfin la couleur est uniformément grise ; les autres couleurs plus « chaudes » (jaune, vert, bleu) étant réservées aux résidences de l’empereur. Peu d’initiatives possibles pour les architectes de l’époque !

Nous visitons la plus importante des résidences : la Cité Interdite au cœur de Beijing.
La cité jouxte la place Tian’Anmen. De part et d’autre de cette place d’une grande superficie, s’élèvent des monuments à l’architecture massive à la « soviétique » ainsi que le Mausolée de Mao. Tous les touristes se font tirer le portrait devant la photo de Mao et sont filmés par les innombrables caméras de sécurité (jusqu’à 6 au niveau d’un poteau !) installées par les autorités. Beijing est probablement la ville qui a le plus grand nombre de caméras au monde.
La présence policière est également très importante aux abords de la place Tian’Anmen : est-ce la crainte de nouvelles manifestations (plusieurs milliers de morts en 1989 après l’intervention de l’armée) ?



La superficie de la Cité Interdite est importante (beaucoup de marche à pied en une journée de visite !) et nous avons été surpris d’apprendre que la construction de l’ensemble n’a duré que 6 ans, mais il est vrai, avec beaucoup de main d’œuvre (jusqu’à 200 000 ouvriers).
La beauté des palais, classés patrimoine de l’Unesco, tient à l’harmonie des bâtiments, leur relative simplicité architecturale, l’espace entre les palais (grande place) et les couleurs : marbre blanc des balustrades, murs rouge, tuiles des toits orangées.
Nous avons de la chance : c’est plein soleil lors de notre visite !
Il n’est malheureusement pas possible d’entrer dans les palais : il faut se tordre le coup aux barrières, se coller contre la vitre et jouer des coudes avec les visiteurs chinois très nombreux et indisciplinés pour espérer voir quelque chose. Et comme les intérieurs ne sont pas éclairés ni mis en valeur, nous abandonnons vite.
Une curiosité derrière le palais de l’Harmonie Préservée : une dalle de marbre sculptée et posée au milieu de l’escalier. Longue de 17 m et pesant plus de 250 t, cette dalle a été acheminée par plus de 20 000 ouvriers en un mois : ils ont fait glisser la dalle sur une piste de glace formée en hiver par l’arrosage de la voie (un trajet de plusieurs km).

Autre balade agréable (sans être transcendante) : le temple du Ciel, patrimoine mondial de l’Unesco.
Cela semble être un lieu de promenade favori des pékinois : l’ambiance est populaire et bon enfant. Dans un grand parc planté de cyprès plusieurs fois centenaires, des danseurs valsent au son d’une musique rauque, des adultes s’amusent aux cerfs-volants.
Nous visitons la salle des prières de l’empereur, c’est une belle rotonde de bois équilibrée aux tuiles bleues.
L’autel du ciel ou l’Empereur venait rendre compte au Ciel de sa gestion est un bel édifice circulaire en marbre blanc. Malheureusement, il y a trop de monde pour pouvoir réellement profiter des lieux.


Nous visitons le centre d’art 798. C’est une ancienne usine qui a été judicieusement réaménagée en un ensemble de galeries dédiées à l’art contemporain. La plupart des tableaux et sculptures sont impressionnants, surprenants mais difficilement exposables dans son salon ou jardin.
La balade est fort agréable et reposante. A côté des galeries d’art, de nombreuses sculptures ont été disposées à l’extérieur, donnant un aspect ludique au lieu. Espérons que les restaurants et micro magasins branchés qui fleurissent ça et là n’auront pas raison des artistes.


Nous sommes à Pékin, le week-end du 1er mai, période fort chargée. Shumin a néanmoins réussi à nous réserver un spectacle dans une maison de thé traditionnelle. C’est une sorte de condensé de différentes formes de chants et danses. Intéressant mais un peu trop piège à touristes à notre goût. Nous retiendrons surtout la prestation des ombres chinoises.


Un matin, alors que Shumin potasse son code (elle prépare enfin le permis de conduire !), Fred donne ses cours de français et Stéphane travaille le blog, Christophe accompagne les filles à l’école où est organisée une demi-journée « spectacle-sport ».
Eleonore et Victoria vont à l’école Fang Chao Di (respectivement à l’équivalent du CE1 et CM1). Il s’agit d’une école chinoise mais c’est la première a être ouverte aux enfants étrangers (elle reçoit à ce titre la visite annuelle du président !). La demi-journée commence par une parade des élèves des différentes classes (tous déguisés), deux chorégraphies de danse, le lever du drapeau chinois au son de l’hymne national, un discours promotionnel sur l’école et la mise en avant des vertus du sport.
Au final, les épreuves sportives consistent essentiellement à courir un 100m. En effet, difficile de faire participer tous les élèves (ça grouille dans tous les sens) en si peu de temps. Immersion intéressante auprès de ces enfants chinois et internationaux privilégiés qui représentent l’avenir de la Chine.


Nous terminons notre séjour à Beijing par une balade familiale à la Grande Muraille (encore un patrimoine de l’Unesco).
Quelques chiffres (merci le guide et Shumin !) : 200 ans pour la construction par une armée de 300 000 hommes, une longueur de 6 700 km (la seule réalisation humaine visible de l’espace), une largeur de 6 m et une hauteur moyenne de 8 m.
La Grande Muraille a été édifiée par plusieurs empereurs afin de protéger la Chine des invasions Mongols et autres tribus du Nord. En réalité, l’ouvrage est plus un outil de communication (par des signaux de feux au niveau des tours) et d’échanges économiques (libre circulation des marchands d’est en ouest) qu’un rôle militaire dissuasif.

A une cinquantaine de km au Nord de Beijing, nous visitons un des morceaux de la muraille (plusieurs centaines de mètres quand même) : le Juyongguan.
Ce n’est pas la Grande Muraille comme nous l’imaginions : beaucoup de monde pour la grimpette et au sommet, la vue pas très glamour sur le parking et l’autoroute.
Heureusement qu’en début d’après-midi, nous allons voir un autre tronçon de muraille sauvage (l’herbe pousse sur le chemin de terre, des morceaux de mur sont tombés car non entretenus) et préservé du tourisme de masse.
Et là, le charme agit : la muraille de pierre grise ondule au gré des collines sur plusieurs kilomètres, c’est beau !


Le coût du séjour touristique à Beijing.
Le coût du séjour dans la capitale chinoise n’est pas élevé sans doute à cause de la sous-évaluation du Yuan.
Les transports (métro et bus) sont très abordables : 0,2 € par trajet de métro seulement ! Mais à ce prix, il faut accepter d’être écrasé et de visionner des pubs par les fenêtres. En effet, à notre grande surprise, entre deux stations de métro, alors que la rame roule à 30-50 km/heure, nous découvrons à travers les fenêtres, un film publicitaire projeté sur les murs du tunnel … il faut le voir pour le croire.
Les taxis sont également peu chers : 8 à 10 € pour 30 à 45 minutes de trajet.
Stéphane s’est goinfré de bons yoghourts en pots de grès disponibles dans les bouis-bouis : cela faisait si longtemps qu’il n’avait pas mangé de laitages, à des prix très abordables (0,3 à 0,5 € le pot de 180g.). Merci à Danone d’avoir introduit le yoghourt en Chine !
Les restaurants ne sont pas ruineux ; la problématique est de savoir ce que l’on a dans son assiette…
Le canard laqué, grande spécialité pékinoise, coûte entier 10 € dans un bon restaurant ; c’est très bon mais peu copieux.
Nous avons eu la chance de voir le cérémonial de cuisson du canard au feu de bois et sa découpe soigneuse devant les convives. Le canard se mange enroulé dans une crêpe accompagné de concombre et d’une sauce au Satay; la peau croustillante de l’animal est un vrai délice.


Au moment du nouvel an chinois en Europe, la Chine nous vend de nombreux objets de pacotilles.
Il est possible de les acheter au gigantesque marché aux puces de Panjayuan de Beijing. C’est un grand déballage d’objets très variés (de l’ancien neuf, des souvenirs en tocs) dans une ambiance bon enfant. Evidemment de nombreux touristes mais aussi des chinois. Les locaux y achètent, entre autre, des noix (après une rude et longue sélection) qu’ils utilisent pour se détendre en les manipulant avec les mains.
Il faut marchander dur (réduire au moins de 2/3 le prix) car les vendeurs sont redoutables. Même Stéphane a presque craqué pour une carafe en cuivre destinée à réchauffer le vin…


Ainsi s’achève notre séjour en Chine.
Un pays qui bouge économiquement mais qui régresse sur le plan des libertés individuelles.
Le régime chinois, plus que jamais totalitaire, tolère de moins en moins la liberté d’expression.
Il musèle les journalistes trop indépendants, emprisonne des milliers de dissidents dans des camps de rééducation et exécute jusqu’à 8000 personnes par an.
Plus la puissance chinoise s’accroît (économique et militaire) et plus les occidentaux ferment les yeux…

Nous avons été indirectement victime de la censure chinoise : il nous a été impossible d’accéder à notre blog au cours de notre séjour à Beijing (la plate-forme Blogger de Google est bloquée).
Comme en Birmanie !


- Superficie : 9 596 961 km² (17 fois et demi la taille de la France).
- Population : 1,3 milliards d'habitants (23 fois la population de la France) (estimation 2008).
- Capitale : Beijing (Pékin).
- Nature du régime : dictature démocratique populaire socialiste.
- Chef de l’État : Hu Jintao (depuis mars 2003).
- Langue : mandarin (putonghua, langue commune officielle), 8 dialectes principaux avec leurs variantes.
- Ethnies : 56, avec chacune sa langue. Han (92 %), Zhuang, Hui, Uygur, Miao, Yi, Tibétains, Ouïgours...
- Monnaie : le yuan (en abrégé : ¥).
- Salaire moyen : 27 000 ¥ (270 €).
- Espérance de vie moyenne : 72,8 ans.
- Analphabétisme : 8 %.
- Sites inscrits au Patrimoine mondial de l'Unesco : Grande Muraille (1987) ; mausolée du premier empereur Qin (1987) ; palais impériaux des dynasties Ming et Qing à Beijing et à Shenyang (1987, 2004) ; monts Huangshan (1990) ; région d'intérêt panoramique et historique de la vallée de Jiuzhaigou (1992) ; résidence de montagne et temples avoisinants à Chengde (1994) ; paysage panoramique du mont Emei, incluant le paysage panoramique du grand Bouddha de Leshan (1996) ; huit jardins classiques de Suzhou (1997, 2000) ; vieille ville de Lijiang (1997) ; vieille ville de Pingyao (1997) ; palais d'Été, Jardin impérial de Beijing (1998) ; temple du Ciel, autel sacrificiel impérial à Beijing (1998) ; sculptures rupestres de Dazu (1999) ; mont Qingcheng (Qingcheng Shan) et système d'irrigation de Dujiangyan (2000) ; tombes impériales des dynasties Ming et Qing (2000, 2003, 2004 - uniquement à Beijing) ; grottes de Yungang (2001) ; centre historique de Macao (2005) ; Diaolou et villages de Kaiping (2007) ; sanctuaires du grand panda du Sichuan (2006) ; aires protégées des trois fleuves parallèles au Yunnan (2003).
 


1 commentaire:

  1. Tantine par Iphone18 mai 2011 à 01:33

    C'est fou ce que cette ville a changé depuis 5 ans ! Ils vont vite ces Chinois ! Beau reportage : merci d'avoir ravivé des souvenirs !!!
    Biz de tantine

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